Le Roraima

Le Roraima

Les EPAVES de Saint-Pierre !!! Ces épaves qui nous font rêver sont ici la résultante de la plus grande catastrophe naturelle qu’aient connue les Caraïbes en général, et la Martinique en particulier. Situé au Nord de la Martinique sur la côte Caraïbe, la ville de Saint-Pierre est dominée par le volcan de la Montagne Pelée (1397 m aujourd’hui, 1351 m en 1902), qui la protège des alizés et fait de sa baie un site de mouillage idéal.

Le 8 mai 1902 à 7h58, la montagne s’ouvre, expulsant un immense nuage de cendre, boue, cailloux, gaz brûlant. Celui-ci masque la lumière, l’obscurité se fait sur Saint-Pierre. La nuée ardente d’une température d’environ 1.000° (mélange de blocs arrachés au cratère, de magma solidifié et de cendres pulvérisées) fonce à près de 400 km/h sur la ville, éclatant, pulvérisant, calcinant tout sur son passage. En quelques secondes la ville n’est plus qu’un champ de ruines. Saint-Pierre a cessé d’exister, et avec elle 30.361 personnes. Lorsque l’on contemple les photos de la ville, on a véritablement l’impression qu’une bombe nucléaire l’a frappée. Tout est anéanti.
Ce cyclone de feu frappe ensuite la mer, soulevant une fantastique vague qui couche littéralement les bâtiments. Le Grappler coule le premier, puis la Gabrielle, le Teresa Lo Vico, le Clementina, l’Anna Morse, le Korona… Le Diamant qui embarquait des passagers tente de fuit l’enfer, mais ses chaudières explosent et il coule. Le Sacro Cuore, le Tamaya, le Nord-America, l’Arama flambent et s’enfoncent dans les flots.
Le Roraima est touché également. Il brûle en plusieurs endroits notamment à l’arrière. Ces deux mats d’acier et sa cheminée de fer ont été volatilisés par la nuée. Il est incliné sur le flanc tribord mais toujours à flot car l’ancre a tenu. Tout autour de lui, les pierres incandescentes (lapilli) tombent en sifflant, suivi d’une boue brûlante. Les passagers qui se trouvaient dans les cabines sont rapidement asphyxiés ou noyés. Ceux qui se trouvaient sur le pont sont tués immédiatement. A l’intérieur quelques survivants sont très gravement brûlés, et nombre d’entre-eux décéderont dans les heures qui suivent. Ellery Scott, le Commissaire Adjoint Thomson et deux autres personnes sont encore valide sur le Roraima. Il est 8h03.
Vers 8h45, le Roddam passe à proximité du Roraima. Les quatre hommes commencent à aller chercher les blessés pour les amener à l’avant dans l’espoir que le navire puisse les prendre à son bord. Ils font des signaux, mais voient désespérés le Roddam continué sa route. Il ne peut en effet s’arrêter n’étant lui-même qu’une fournaise flottante. Les survivants doivent alors faire face aux multiples foyers d’incendie qui se sont déclarés sur le navire, notamment dans la timonerie à bâbord. Après une lutte acharnée, l’incendie leur laisse un peu de répit pour s’occuper des blessés. Ils réussissent à forcer la porte de la glacière, et à prendre des morceaux de glace pour les mettre dans la bouche des blessés. Le Suchet les sauvera vers 14h00.
A 8h03, le câblier français Pouyer Quertier assistant au drame au large de Saint-Pierre, transmet le message suivant : « S.O.S St-Pierre détruit par éruption Montagne Pelée ». Le Capitaine Freeman commandant du Roddam, en arrivant à Port-Castrie prononce cette terrible phrase : « Nous venons des portes de l’enfer, vous pouvez télégraphier au monde qu’il n’y a plus une âme vivante à Saint-Pierre. »

Le Roraima brûla pendant trois jours, puis s’enfonça par l’arrière pour rejoindre sa dernière demeure.
Soixante-douze ans après, en 1974, Michel Météry qui a entrepris l’exploration de la baie de Saint-Pierre après sa découverte de la Gabrielle, retrouve l’épave du Roraima.
Le Roraima est posé à plat sur un fond de sable par 60 m de profondeur. L’épave est vaste, environ 120 m de long pour 15 m de large environ. Elle nécessite de nombreuses plongées pour pouvoir être admiré dans son ensemble. L’épave comporte trois parties distinctes, la partie centrale étant légèrement affaissée par rapport aux deux autres, mais toujours solidaire. En débutant la plongée par l’avant du navire, vous pourrez admirer l’étrave. La proue est imposante. Du mouillage, il ne reste que l’énorme chaîne, brisée, mais toujours fixée au cargo.
On peut pénétrer dans le puits de chaîne, et retirer son détendeur en ayant pris la précaution au préalable de le faire fuser pour renouveler l’air. En effet lorsque le Roraima a sombré, une bulle d’air est restée coincée à cet endroit. Cette impression de respirer sans détendeur par 50 m de fond est amusante. Sur les flancs de l’épave, les bittes d’amarrages sont toujours présentes. En se dirigeant vers la poupe, vous traversez les coursives. Il faut se méfier car les tôles sont coupantes et des câblent pendent ça et là. La vision du bleu à l’intérieur de celles-ci est absolument magnifique. Survolant les restes du pont, vous verrez l’embase de la cheminée (diamètre 2,50 m) et un bout de mât. Ceux-ci soufflés par la nuée reposent désormais sur bâbord. Il ne reste pratiquement rien des superstructures qui n’ont pas résisté à l’explosion et ont brûlé trois jours durant. L’intérieur du Roraima est magnifique, mais méfiez-vous car la visite est longue et le temps passe vite à cette profondeur. Vous pourrez admirer l’entrepont, la salle de bains et ses carreaux de faïence bleue, les WC du Commandant et sa céramique qui a résisté au temps, la cambuse avec ses ustensiles soudés par la chaleur aux fourneaux et plans de travail.
Si vous pénétrez dans les entrailles du cargo, vous pourrez admirer la salle des machines avec ses volants de manœuvre en cuivre, ses manomètres et la soute à charbon. Il faut se déplacer avec prudence car tout est recouvert d’une couche de cendre et de vase, et la visibilité peut rapidement devenir nulle. Il est indispensable d’avoir un fil d’Ariane. Continuant vers l’arrière, la visite des cales permet de contempler la pompe de cale, des restes d’objets tordus par la chaleur, des engrenages…
Sur l’arrière vous pourrez admirer la cassure, pour ensuite plonger dans la cale, ou encore pénétrer dans le château arrière. Un dernier regard sur la poupe, et il est temps de quitter ce vaisseau d’acier, cette épave fabuleuse et remplie d’histoire. La remontée ne se fait pas sans un dernier regard pour ce qui fut un magnifique bateau.

Faune et flore :
Le Roraima était surnommé par le Commandant Cousteau « L’épave aux cheveux blancs ». En effet on trouve sur tout le cargo de longs fils blancs ressemblant à des câbles, qui sont en fait des virgulaires. La flore semble témoignée du drame 100 ans après, notamment avec des coraux tortueux surnommés « cornes d’élans », semblant avoir été déformés par la chaleur terrible de la nuée. Toute l’épave est colonisée par d’énormes éponges rouges sombres en forme de cheminée, typique de la flore des Caraïbes. De grandes gorgones blanches et orangés se trouvent dans les coursives et sur le pont. La faune est nombreuse : gros barracudas en banc ou solitaire, immenses bancs de mombins, poissons anges, poissons trompettes, poissons lézard, grosses sorbes…