Aimé Césaire

Aimé Césaire, chantre de la négritude, fortement influencé par le surréalisme, poète, écrivain et  homme politique, il restera à tout jamais un personnage incontournable de l’histoire martiniquaise, il aura marqué à tout jamais le passé, le présent et l’avenir de la Martinique. Hospitalisé depuis le 9 Avril au CHU de Fort de France, il nous a quitté le 17 Avril 2008 à 5h20.

Aimé Césaire, de son nom complet Aimé Fernand David Césaire, est né en Martinique le 26 juin 1913 au sein d’une famille nombreuse de Basse Pointe, commune du Nord Est de la Martinique. Son père est un petit fonctionnaire et sa mère est couturière. Son grand-père fut le premier enseignant noir en Martinique et sa grand-mère, contrairement à beaucoup de femmes de sa génération, savait lire et écrire, elle enseigna très tôt à ses petits enfants la lecture et l’écriture.  Son père disait de lui « quand Aimé parle, la grammaire sourit…. » Elève brillant au lycée Schœlcher à Fort de France, il obtient en 1931 une bourse qui lui permet de suivre des études supérieures au lycée Louis le Grand à Paris. C’est dans les couloirs de ce grand lycée parisien que, dès son arrivée, le jeune Césaire rencontre Léopold Sédar Senghor, son aîné de quelques années, qui le prend sous son aile protectrice.

En septembre 1934, Césaire fonde, avec d’autres étudiants Antillo-guyanais et africains, (Senghor, Damas, Birago Diop) le journal «L’Étudiant noir». C’est dans les pages de cette revue qu’apparaîtra pour la première fois le terme de «Négritude». Ce concept, forgé par Aimé Césaire en réaction à l’oppression culturelle du système colonial français, vise à rejeter d’une part le projet français d’assimilation culturelle et d’autre part la dévalorisation de l’Afrique et de sa culture, des références que le jeune auteur et ses camarades mettent à l’honneur. Construit contre le projet colonial français, le projet de la négritude est plus culturel que politique. Il s’agit, au delà d’une vision partisane et raciale du monde, d’un humanisme actif et concret, à destination de tous les opprimés de la planète. Césaire déclare en effet :  Je suis de la race de ceux que l’on opprime.

En 1935 Césaire est admis à l’école Normale Supérieure et c’est en 1936 qu’ il commence la rédaction de son chef d’œuvre, « Cahier d’un Retour au Pays Natal ». Marié en 1937 à une étudiante martiniquaise, Suzanne Roussi, Aimé Césaire, Agrégé de Lettres, rentre en Martinique en 1939, pour enseigner, tout comme son épouse, au lycée Schœlcher de Fort de France. En 1941, le couple Césaire, épaulé par René Ménil et Aristide Maugée, fonde la revue « Tropiques » dont le projet est la réappropriation par les Martiniquais de leur patrimoine culturel. Alors que la seconde guerre mondiale provoque le blocus de la Martinique par les Etats-Unis, qui ne font pas confiance au régime de collaboration de Vichy, les conditions de vie sur l’île se dégradent, les élus de couleurs sont déplacés et remplacés par des représentants des békés et dans ce contexte, la censure vise particulièrement la revue « Tropiques » qui paraîtra avec difficultés jusqu’en 1943.

Césaire adhère au Surréalisme et il fait la rencontre d’André Breton le fondateur du Surréalisme français qui en 1944 rédige la préface du livre écrit par Aimé Césaire « Les Armes Miraculeuses ».

Alors que son engagement littéraire et culturel constituent le centre de sa vie, Aimé Césaire est happé par la politique dès son retour en Martinique. Pressé par les élites communistes, à la recherche d’une figure incarnant le renouveau politique après les années sombres de l’Amiral Robert, Césaire est élu en 1945, maire de Fort-de-France, la capitale de la Martinique, il n’ a alors 32 ans. L’année suivante, il est élu député de la Martinique à l’Assemblée Nationale.

Le député Césaire sera, en 1946, le rapporteur de la loi faisant des colonies de Guadeloupe, Guyane Française, Martinique et la Réunion, des départements français. Ce changement de statut correspond à une demande forte du corps social, souhaitant accéder aux moyens d’une promotion sociale et économique. Conscient du rôle de la départementalisation comme réparation des dégâts de la colonisation, Aimé Césaire est tout aussi conscient du danger d’aliénation culturelle qui menace les martiniquais. La préservation et le développement de la culture martiniquaise seront dès lors ses priorités.

Partageant sa vie entre Fort-de-France et Paris, Césaire fonde, dans la capitale française, la revue «  Présence Africaine », aux côtés du sénégalais Alioune Diop, et des guadeloupéens Paul Niger et Guy Tirolien. En 1950, c’est dans cette revue que sera publié pour la première fois le Discours sur le colonialisme, un de ses textes les plus violents, charge virulente et analyse implacable de l’idéologie colonialiste européenne, que Césaire compare avec audace au nazisme auquel l’Europe vient d’échapper. Les grands penseurs et hommes politiques français sont évoqués dans ce texte par l’auteur qui met à nue les origines du racisme et du colonialisme européen.

Peu enclin au compromis, Aimé Césaire, révolté par la position du Parti Communiste Français face à l’invasion soviétique de la Hongrie en 1956, publie une «Lettre à Maurice Thorez» pour expliquer les raisons de son départ du Parti. En mars 1958, il crée le Parti Progressiste Martiniquais (PPM), qui a pour ambition d’instaurer «un type de communisme martiniquais plus résolu et plus responsable dans la pensée et dans l’action». Le mot d’ordre d’autonomie de la Martinique est situé au cœur du discours du PPM.

Parallèlement à une activité politique Aimé Césaire continue son œuvre littéraire et publie plusieurs recueils de poésie, « Soleil Cou Coupé » en 1948, « Corps perdu » en 1950, « Ferrements » en 1960.

  • À partir de 1956, il s’oriente vers le théâtre, avec Et les Chiens se taisaient, texte fort dans lequel il explore les drames de la lutte de la décolonisation autour du personnage du Rebelle, esclave qui tue son maître puis tombe victime de la trahison.
  • La Tragédie du Roi Christophe (1963), qui connaît un grand succès dans les capitales européennes, est l’occasion pour lui de revenir à son expérience haïtienne, en mettant en scène les contradictions et les impasses auxquelles sont confrontés les pays décolonisés et leurs dirigeants.
  • Une saison au Congo (1966) met en scène la tragédie de Patrice Lumumba, père de l’indépendance du Congo Belge.
  • Une tempête (1969), inspiré de Shakespeare, explore les catégories de l’identité raciale et les schémas de l’aliénation coloniale. Pensant à l’origine situer l’action de cette adaptation de Shakespeare aux États-Unis, il choisit finalement les Antilles, gardant tout de même le projet de refléter l’expérience noire aux Amériques. Au total Césaire a publié plus de quatorze œuvres, recueils de poésies, pièces de théâtre et essais. Son œuvre a été traduite dans de nombreuses langues: anglais, espagnol, allemand etc..

Son parcours politique

  • De 1945 à 2001  Maire de Fort de France (durant 56 ans)
  • De 1946 à 1993  Député de la Martinique (durant 48 ans)
  • De 1983 à 1986  Président du Conseil Régional de la Martinique
  • De 1945 à 1949 et 1955 à 1970  Conseiller général de Fort de France

Depuis le 6 Mars 2001 Aimé Césaire s’est retiré de la vie politique mais reste un personnage incontournable de l’histoire martiniquaise. Après le décès de son ami Senghor, il sera l’un des derniers fondateurs de la pensée négritudiste.

Malgré son grand âge Aimé Césaire est toujours sollicité et influent. En 2005 il refusera de recevoir le ministre de l’intérieur, Nicolas Sarkozy, il écrit dans un communiqué « Je n’accepte pas de recevoir le ministre de l’intérieur, Nicolas Sarkozy, pour deux raisons : Première raison : des raisons personnelles. Deuxième raison : parce que, auteur du « Discours sur le colonialisme » je reste fidèle à ma doctrine et anti-colonialiste résolu, je ne saurais paraître me rallier à l’esprit et à la lettre de la loi du 23 février 2005 » En mars 2006, Aimé Césaire revient sur sa position et reçoit Nicolas Sarkozy. Il dira de lui «  C’est un homme nouveau, on sent en lui une force, une volonté, des idées. C’est sur cette base-là que nous le jugerons »

Durant la campagne de l’élection présidentielle de 2007, il soutient activement Ségolène Royal, y compris en l’accompagnant lors d’un meeting. Par reconnaissance pour ce grand homme, l’aéroport du Lamentin a été dénommé Aéroport Martinique- Aimé Césaire le 15 Janvier 2007, la bibliothèque des Anses d’Arlet porte également son nom depuis le 17 Décembre 2005.

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